Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE)
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Gouvernance et citoyenneté

Entretien - 22.11.2022

Entretien avec M. Mathieu Mori, Secrétaire Général du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
M. Mathieu Mori vient d'être élu nouveau Secrétaire général du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe pour un mandat de cinq ans. D'abord secrétaire général de l'Assemblée des Régions d'Europe, puis directeur du programme de coopération transnationale Interreg Europe du Nord-Ouest, les collectivités territoriales ont joué un rôle déterminant pour lui tout au long de sa carrière. 
 
Monsieur Mori, en janvier prochain, vous débuterez votre mandat de Secrétaire Général du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. En quelques mots, quelles sont les priorités de votre mandat ?  
 
Le Congrès est une institution qui aide les 46 États membres du Conseil de l'Europe à mettre en œuvre la démocratie locale et régionale conformément à la Charte européenne de l'autonomie locale*. Il s'agit de la mission statutaire du Congrès et, pour s'acquitter efficacement de cette mission, le Congrès doit coopérer avec les Etats membres. Le développement d'une relation institutionnelle constructive entre le Congrès et le Comité des Ministres est donc une priorité pour le Congrès. L'approfondissement des relations institutionnelles en général, y compris avec l'Assemblée parlementaire et les institutions de l'Union européenne, sera également un objectif important.
 
En outre, le Congrès ne pourra se renforcer qu'avec le soutien de ses membres. Je m'efforcerai d'accroître le sentiment d'appartenance des membres au Congrès, en veillant à ce que tous les membres sachent comment ils peuvent contribuer au mieux aux travaux du Congrès et ce qu'ils peuvent apporter à leurs citoyens grâce à leur participation au Congrès.
 
Enfin, je souhaite promouvoir le rôle des jeunes dans les activités du Congrès. Avec ses jeunes délégués qui contribuent activement à son travail politique, le Congrès se distingue déjà et je veux m'assurer que le Congrès reste une organisation de premier plan en matière d'engagement des jeunes.
 
*Cette convention internationale établit des normes pour la protection des droits des collectivités locales et exige des 46 États membres du Conseil de l'Europe - qui l'ont tous ratifiée - qu'ils respectent un certain nombre de principes.
 
Au regard de votre expérience personnelle aux côtés des collectivités territoriales, quelles sont, d’après vous, les principales avancées démocratiques qui ont été réalisées grâce aux recommandations du monitoring du Congrès ?
 
Le Congrès a en effet une expérience solide et documentée pour aider les Etats membres du Conseil de l'Europe à mettre en œuvre la démocratie locale et régionale grâce à ses missions de suivi et d'observation des élections.
 
Les recommandations qui ont suivi ces missions ont aidé de nombreux États membres à encourager les réformes, à améliorer la coopération intercommunale ou à renforcer les mécanismes de participation des citoyens à la prise de décision publique. 
 
Parmi les réalisations concrètes majeures, on peut notamment citer :
 
- L'activation du rôle joué par les associations d'autorités subnationales pour promouvoir et défendre les intérêts de l'autonomie locale dans plusieurs États membres (Bosnie-Herzégovine, Hongrie, Portugal, Suisse, Islande, Géorgie, Lituanie et Pologne) ;
 
- L'introduction d'une variété d'instruments juridiques pour promouvoir la participation des citoyens aux affaires publiques locales (Suisse, Islande, Géorgie, Slovénie, Lituanie, Liechtenstein) ;
- La ratification par un nombre croissant d'États du Protocole additionnel à la Charte européenne de l'autonomie locale sur le droit de participer aux affaires d'une collectivité locale. En septembre 2022, le Portugal a ratifié ce protocole additionnel ;
 
- La récente décision du Parlement écossais d'intégrer la Charte dans le droit interne écossais ;
 
- Une stratégie de décentralisation en Bulgarie dévoluant plus de pouvoirs au niveau local tout en augmentant les ressources municipales.
 
- L'introduction de l'élection directe des maires en Géorgie.
 
A contrario, voyez-vous un « recul démocratique » dans un domaine particulier ou un danger qui guette l’Europe ? 
 
La démocratie ne peut jamais être considérée comme acquise, que ce soit au niveau national ou local et cela dans aucun pays, et encore moins en période de crise.
 
C'est pourquoi le Congrès assure un suivi régulier de l'application de la Charte dans les 46 États membres du Conseil de l'Europe.
 
Nous constatons une tendance à la recentralisation dans de nombreux pays. Cette recentralisation a pris des formes très diverses, allant du refus de certains tribunaux d'appliquer directement la Charte, à la limitation par les gouvernements de l'autonomie financière des collectivités locales.
 
Dans l'ensemble, le manque de consultation, la répartition inadéquate des compétences et des ressources financières et la supervision excessive ont été identifiés comme des problèmes récurrents qui affectent la plupart des États surveillés. Cela conduit directement ou indirectement à un recul de la démocratie au niveau local et régional.
 
En outre, le Congrès alerte aussi que de nombreux élus ont subi au moins à un certain degré du harcèlement et des menaces de violence. Les menaces et les attaques contre les représentants des collectivités territoriales ont été régulièrement évoquées lors de la série de débats du Congrès "Les maires sous pression" et ont fait l'objet d'une couverture détaillée dans le récent rapport du Congrès sur l'impact des discours de haine et des fake news sur les conditions de travail des élus locaux et régionaux. Cette situation conduit même à l'absence de candidats aux postes d'élus locaux et régionaux.
 
Le Congrès sensibilise les États membres à ces questions et aide à trouver des solutions.
 
COVID, Ukraine, crise énergétique et changement climatique… l’Europe traverse de très nombreuses crises. Face à ce tableau sombre, comment les collectivités peuvent-elles renforcer durablement leur capacité pour faire face à ces crises à répétition ?
 
En effet, l'Europe traverse en ce moment une multitude de crises et les collectivités territoriales européennes sont en première ligne pour y faire face. Comme on l'a vu lors de la pandémie de la Covid, la première réaction de nombreux gouvernements face à une crise est de recentraliser les finances et les compétences confiées au niveau local. Cela a mis l'exercice de la démocratie locale sous une pression et des contraintes sans précédent.
 
Pourtant, les pays européens qui n'ont pas procédé à une recentralisation ont très bien réussi à faire face à la crise de manière efficace, prouvant ainsi que les systèmes de gouvernance à plusieurs niveaux n'entravent pas les réponses aux situations de crise.
 
Au contraire, ils augmentent la qualité des décisions et permettent une plus grande flexibilité pour faire face aux situations d'urgence, car ils sont mieux à même de fournir des solutions adaptées aux besoins spécifiques. L'efficacité de la réponse dépend en effet du bon équilibre et de l'interaction entre les capacités centralisées et décentralisées qui doivent être présentes au sein du système.
 
La pandémie a révélé la nécessité d'un système plus solide de gouvernance à plusieurs niveaux, dans lequel chaque niveau - en particulier local et régional - est doté des compétences, des moyens et des ressources appropriés pour répondre à la situation d'urgence.
 
Le Congrès continuera donc à accompagner les États membres du Conseil de l'Europe dans la mise en œuvre de la Charte.
 
Alors que les élus locaux ukrainiennes sont pleinement engagés aux côtés de leurs populations qui souffrent dramatiquement du conflit provoqué par l’agression russe, comment le Congrès envisage son soutien des collectivités ukrainiennes sur le long terme ?
 
Le Congrès a, dès le départ, condamné l'agression russe contre l'Ukraine et le Conseil de l'Europe a décidé d'exclure purement et simplement la Russie de l'institution. 
 
Le Congrès a également tenu à faciliter la solidarité concrète des collectivités territoriales avec leurs homologues ukrainiennes en soutenant la plateforme Cities4Cities. Cet outil d'échange en ligne permet aux collectivités locales et régionales d'Ukraine et du reste de l'Europe de partager leurs besoins et leurs offres en matière d'infrastructures locales ou d'aide humanitaire.
 
Ce que je peux partager de ma visite en Ukraine à l'occasion de leur jour de l'Indépendance en août dernier, c'est que le processus de décentralisation lancé en 2014 sous les auspices du Congrès a été essentiel pour que les villes et les régions aient les moyens de réagir aux premières conséquences de la guerre. Les lois martiales en place aujourd'hui ont recentralisé le pouvoir. 
 
Les autorités locales et régionales ukrainiennes attendent du Congrès qu'il soit à leurs côtés après la guerre pour s'assurer que leurs pouvoirs leur soient rendus et pour finaliser la voie de la décentralisation entamée en 2014. 
 
L'Ukraine attend également du Congrès qu'il l'aide à atteindre une meilleure démocratie locale pour faciliter l'adhésion du pays à l'Union européenne.
 
L'Ukraine peut compter sur le soutien continu du Congrès sur tous ces aspects.
 
A travers toute l’Europe, les villes et collectivités territoriales s'engagent en matière de coopération, au-delà de leurs frontières. Quelle est la valeur ajoutée de ce type de coopération par opposition à celui établi entre les Etats ?
 
Ce type de coopération ne s'oppose pas à la coopération menée par les États, mais la complète. Les collectivités locales et régionales connaissent mieux que quiconque les obstacles qu'elles doivent surmonter pour mettre en œuvre des politiques efficaces et sont donc mieux placées pour coopérer avec leurs homologues d'autres pays. 
 
Le Congrès a développé des activités de coopération qui permettent de faire le lien entre les recommandations et les résolutions adoptées par les membres du Congrès et la situation sur le terrain.
 
Conformément à sa mission et à ses priorités thématiques, le Congrès concentre ses activités de coopération sur :
- le renforcement des pouvoirs des collectivités territoriales et de leurs associations
- le renforcement des capacités des élus locaux et régionaux en tant qu'agents du changement
- sensibiliser les jeunes aux principes de la démocratie locale et les impliquer au niveau local
- l'apprentissage par la pratique en participant à des initiatives locales pour améliorer la qualité de la démocratie locale. 
 
En nous concentrant sur les activités de coopération où le Congrès a la plus forte valeur ajoutée, nous nous assurons de ne pas faire double emploi avec les travaux entrepris par d'autres parties du Conseil de l'Europe ou par des organisations territoriales.
 
Vous connaissez très bien les associations de gouvernements locaux et régionaux, telles que l’ARE ou le CCRE. Selon vous, dans quelles domaines les associations et le Congrès devraient-ils renforcer leur collaboration ?
 
L'ARE et le CCRE sont des partenaires stratégiques importants du Congrès, avec des valeurs et des principes communs. Ils sont tous deux " partenaires statutaires " du Congrès et peuvent participer à ses sessions et réunions de commissions. Nos échanges réguliers nous permettent de compléter nos travaux respectifs, par exemple pour soutenir l'Ukraine, ou pour la réalisation des Objectifs de développement durable de l'Agenda 2030 des Nations Unies, ou encore pour promouvoir de nouvelles formes d'engagement démocratique des citoyens, par exemple à travers des modèles de démocratie délibérative, et en améliorant la participation des jeunes. La coopération du Congrès avec le CCRE met également l'accent sur le renforcement du rôle des associations nationales de collectivités territoriales dans les Etats membres en tant que partenaires à part entière des autorités nationales dans le système de gouvernance.
 
En outre, en tant que réseaux européens de collectivités territoriales, nous pouvons contribuer ensemble à la défense et à la promotion de la gouvernance à multiniveaux. Le Congrès possède une expertise unique dans la mise en œuvre locale et régionale de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme. Le Congrès pourrait apporter cette valeur ajoutée à des projets communs avec l'ARE et le CCRE, tandis que ces derniers permettraient à davantage de villages, villes et régions de connaître les travaux du Congrès et de bénéficier de son savoir-faire. 
 
Je me réjouis de poursuivre la bonne coopération entre le Congrès et toutes les associations territoriales et de mettre en œuvre des partenariats concrets pour le changement.
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